Partages, échanges et contributions, tel est le très joli thème retenu pour la 14e édition de Ludovia qui s’est terminée il y a déjà une semaine. Très joli thème en effet que peu de colloques ou d’événements auraient pu choisir tant leur organisation est dépendante des modèles institutionnels ou économiques en place. En effet, ces derniers privilégient d’ordinaire le stock privateur, comme disent les libristes, au détriment du flux, où s’exercent en effet ces activités d’échanges et de partage, toutes capables de faire émerger ce qu’il y a de meilleur.
Un très joli titre, en effet, dont nombreux qui sont intervenus en ateliers, barcamps et autres explorcamps, ont décliné les potentialités. Je regrette, pour ma part, le trop grand nombre d’interventions beaucoup trop éloignées de cette thématique aussi originale que riche, à croire que leurs auteurs, le nez dans le guidon de leur travail ou de leur recherche, soient même incapables d’avoir un point de vue sur le sujet et de le… partager.
Je n’ai pas assisté à toutes ces interventions car je n’en ai guère eu le temps. Des amis ou connaissances de confiance m’ont rapporté tout ça. La consultation de mon fil Twitter et du hashtag #ludovia14 était, de ce point de vue, parfaitement éclairante.
Comme je n’ai pas non plus entendu, et c’est heureux pour ma santé et ma tension, une rectrice d’une nouvelle grande académie, invitée sur la table ronde inaugurale, déclarer tout de go qu’il convenait de « vérifier que le numérique peut être utile aux apprentissages ». Plusieurs sources m’ont rapporté les mêmes mots. Pour ma part, je crois qu’il convient de vérifier, avant de les recruter, que les recteurs sont utiles aux académies qu’on leur confie et à la société de leur temps.
Bien sûr, cette édition fut, comme d’habitude mais peut-être plus encore, l’occasion de belles et fructueuses rencontres. Bien sûr, il y a le plaisir de retrouver les amis qu’on ne retrouve que là-bas car elles ou ils viennent de loin, mais aussi la surprise heureuse mais renouvelée de faire de nouvelles connaissances, d’entendre de nouvelles voix, de confronter son avis à celui d’autres, lesquels vous proposent, sur tel ou tel sujet, un point de vue parfois plus pertinent.
Donc des échanges, des échanges, des échanges, d’autant plus riches qu’ils sont informels. Le parc grand ouvert et le bar à bières ont largement contribué à mieux rassembler tous ceux qui avaient quelque chose à partager, d’où qu’ils viennent, à quelque niveau que se trouve leur engagement professionnel, acteurs ou partenaires de l’école.
Une fois de plus, Ludovia fut le rendez-vous incontournable d’associations ou de groupements partenaires, Clicx, Edmustech, Twictée, l’An@é… avec cette impression ambivalente, qui vaut pour tous, d’un foisonnement incomparable d’idées, d’un enthousiasme éruptif, pour reprendre le thème du prochain Carnaval numérique, et d’une tentation au repli sur soi… Une tentation.
Pour ma part, on (Aurélie et Éric, que je remercie encore) m’avait demandé de participer au péchakucha du premier soir, exercice si difficile, si stressant. J’y ai pris pourtant beaucoup de plaisir. Vous me connaissez, je ne pouvais manquer de promouvoir, une fois de plus, une liberté fondamentale, la liberté d’expression, qui prend tout son sens aujourd’hui, avec le numérique. Il convenait, je crois, de tenter de la défendre, aujourd’hui plus que jamais, quand nombreux sont ceux qui, au prétexte de combattre le terrorisme, ou parce que ça dérange leur posture d’intellectuel ou de prétendu expert, veulent nous en restreindre l’exercice.
Et ce fut aussi l’occasion de rendre un hommage à Louise Merzeau. Nous lui devons tant, je lui dois tant.
Je vous laisse découvrir tout cela, c’est suffisamment explicite, je crois.
Il a été réalisé une vidéo de ce moment. Vous la trouverez ci-dessous.
L’aimable et si remarquable Delphine Barbirati, avec laquelle j’avais déjà pris en charge un atelier à Lyon — je vous ai raconté tout ça — m’avait proposé de renouveler l’expérience. Il fut question, cette fois, du commentaire, toujours comme forme d’exercice de l’expression mais surtout comme objet de travail, en classe, pour vaincre l’auto-censure et apprendre à mobiliser son esprit critique. De magnifiques perspectives pédagogiques, à mettre en œuvre en français, bien sûr, mais aussi, puisqu’il s’agit d’éducation aux médias et à l’information, dans de nombreuses autres activités d’autres disciplines.
Prenez ce que vous voulez.
Avec tout ça, je m’aperçois que j’ai négligé de commenter l’image en tête de ce billet. J’ai dû zoomer, d’où la faible qualité de la netteté, pour capturer ce moment où trois adolescents — comptez les jambes, vous verrez —, sur la place principale d’Ax-les-Thermes, sous un point chaud Wi-Fi, partagent ce qu’ils observent ou consultent sur leurs smartphones. En plein dans le thème ! Merci à eux.
Michel Guillou @michelguillou
[cite]
Lecture d’image…
j’aime bien ta façon d’interpréter la photo en tête de billet mais je ne peux pas m’empêcher de penser que d’autres y verraient trois ados déconnectés de la vraie vie sur leur téléphone au lieu d’être vraiment ensemble ?
#avocatdudiable
Pour les avocats du diable, j’ai d’autres photos ! :)
Je suis moi aussi sensible à cette tentation au repli qui peut-être exprime à la fois le sentiment d’impuissance à changer toute l’Ecole et l’envie de se préserver, de poursuivre ses recherches en se mettant en lien avec ses pairs en innovation.
Je continue de penser que tout cela manque d’élèves pour nous donner leur avis.
Et que nos institutions continuent dans le déni : comme si tout ce qui permettrait d’adapter ses pratiques était en place qu’il s’agisse du climat de confiance à la prise de risque, un management bienveillant, de la bande passante, des terminaux qui se lancent en moins d’un quart d’heure, des services numériques adaptés, etc.
Je pense que l’on fait semblant. Et que peut-être Ludovia malgré lui contribue à servir à camoufler cette réalité.
Comme cet autre que décidément personne ne veut voir : nos élèves dès la 4ème disposent de smartphones, nos enseignants aussi, ces smartphones sont souvent à eux tout seuls mieux connectés que l’établissement en entier. Et alors que les élèves les utilisent souvent faire des recherches, pour s’accompagner le soir pour faire leurs devoirs, ces objets et leur potentiel n’est toujours pas pensé, pris en compte. Alors qu’ils constituent probablement une partie de la solution.
Je ne commente qu’un truc pour dire mon assentiment : oui, ça manque cruellement d’élèves ! Merci Jean-Louis.
Que des vocables fumeux en englische