Nous sommes en mars. À défaut des giboulées attendues, ce sont les rapports sur le numérique éducatif qui pleuvent.
Il y a eu les rapports Bizot et Assouline sur l’éducation aux médias numériques… puis, en 2008, le rapport e-Educ intitulé « Pour le développement du numérique à l’école », et enfin en 2010, le 1er rapport intitulé « Réussir l’école numérique » remis par Jean-Michel Fourgous au gouvernement.
Ce matin-même, c’est un nouveau rapport intitulé « Le choix du numérique : un devoir et une opportunité pour l’École » qui est remis par Gilles Babinet au nom du Conseil national du numérique.
On attend bientôt les conclusions d’un colloque sur « Les nouveaux outils de l’éducation », le 20 mars, à l’initiative de la Fondation ADN, puis, enfin, la remise du nouveau rapport Fourgous sur la pédagogie numérique.
Ces rapports sont-ils tous les fruits de cette culture commune médiocre, dite de l’innovation technocratique, sorte de vade-mecum non questionnable, celle d’une bourgeoisie moyenne incapable de penser les enjeux politiques du système… dont parle Philippe Meirieu dans son récent ouvrage « L’école, le numérique et la société qui vient » ?
Peut-être… Sans doute, vu l’influence très faible qu’ont ces rapports sur la réalité numérique de l’enseignement et son adaptation au monde en mouvement.
Je ne vais pas revenir sur les constats de carence que j’ai évoqués dans d’autres billets sur ce blog ni sur les raisons qui, à mon avis, peuvent expliquer le retard considérable pris par le système éducatif.
« Faute de ne pas réussir sa mue numérique, l’École court le risque ne plus remplir correctement sa mission, en laissant un décalage grandir entre ses logiques et celles de la société »
dit Gilles Babinet fort justement.
Attardons-nous un peu sur les 4 fortes propositions qui émanent de la consultation du CNNum :
- Le numérique, formidable moteur pour l’égalité des chances
- Une jonction à faire entre deux maillons essentiels : les enseignants et les acteurs du numérique
- Une gouvernance régionale plus adaptée
- Une plate-forme de référencement des ressources pédagogiques numériques
Je ne reviens pas sur les deux premiers points, à peu près consensuels — même si c’est tout de même la première fois que je lis, à juste titre qu’il « il n’est pas rare de voir installer des matériels ou logiciels dans des classes, sans que les questions des ressources, des usages pédagogiques, de la formation, de l’accompagnement et de la maintenance ne soient clairement étudiées en amont » .
Plus que d’une gouvernance régionale, indispensable il est vrai, à cause de « l’éclatement des responsabilités entre les académies, en charge de la pédagogie, et les collectivités territoriales qui assurent les dépenses en équipement et en manuels scolaires, [qui] est à l’origine de nombreuses difficultés opérationnelles », c’est bien d’une gouvernance d’État dont le numérique a besoin.
Y a-t-il encore un pilote dans l’avion ? Je reviendrai sur ce point plus tard.
Quant au dernier item, j’y suis évidemment favorable. Il est temps de soumettre à la critique des enseignants et de leurs élèves, sur un lieu central, de manière exhaustive, l’ensemble de l’offre matérielle et logicielle pédagogique numérique, de telle façon que puisse s’exercer l’économie de la confiance de manière complètement concurrentielle. Y auraient toute leur place les logiciels, manuels ou ressources libres si utilisés et prisés et si rarement exposés dans les vitrines de l’offre éducative.
Puisque la mode est aux propositions, pour compléter le travail du CNNum, en espérant que ce blog soit mieux lu que les rapports remis au ministre, je souhaite tenter l’aventure de quelques propositions très iconoclastes :
- Les ordiphones ne sont plus interdits dans les collèges et lycées. De manière négociée dans chaque établissement, on conviendra de la meilleure manière de les utiliser raisonnablement en classe si besoin et si consigne magistrale en ce sens, dans le respect de l’égalité des chances.
- L’accès aux ressources de l’Internet n’est plus censuré en aucune manière, à l’exception des classes de l’école élémentaire. Dans tous les cas, on mettra en place, de manière concertée, pour tous mais de manière préférentielle pour les plus jeunes élèves, un enseignement intégré ou complémentaire d’éducation aux médias numériques qui permettra d’envisager la meilleure manière de réagir et d’éviter à l’avenir d’être confronté à un contenu non souhaité ou souhaitable. Les lycéens peuvent accéder de manière autonome à des terminaux connectés.
- Les programmes des classes terminales de collège et de lycée sont en partie changés dans la plupart des disciplines de telle manière à permettre, à l’examen terminal de chaque cycle, brevet ou baccalauréat, la mise en place de séquences avec accès libre à l’Internet où serait évaluée non l’acquisition des connaissances mais l’appropriation raisonnée des savoirs en ligne et leur restitution construite, cohérente et adéquate à la question posée.
- Des espaces sont réservés, sur les sites web des collèges et lycées, à la libre expression des élèves, sous leur propre responsabilité et contrôle, dans le respect des convenances et de la loi. Là encore, un enseignement d’éducation à la citoyenneté et aux médias numériques sera systématiquement proposé qui devrait permettre de prévenir les dérives et d’éviter les écueils.
Chiche !
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : shuichiro via photopin cc
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