Regarde-le quand il t’parle, écoute-le…

Antarctica_november_2007C’est ça que tu veux pour ton fils ?
C’est comme ça qu’tu veux qu’il grandisse ?
J’ai pas d’conseils à t’donner mais si tu veux pas qu’il glisse
regarde-le quand il t’parle, écoute-le…
NTM 1998

C’e sont les paroles de ce rap du dernier millénaire, « Laisse pas traîner ton fils » qui m’ont fait penser à la lecture qu’on peut faire des innombrables conseils plus ou moins autorisés et plus ou moins pertinents qu’on trouve en ligne à destination des parents que les usages massifs que font les jeunes des outils numériques perturbent.

Bon, il y a les sempiternels mercantis — je vais essayer de ne plus y penser pour ne pas m’échauffer — qui y vont de leur traditionnel couplet bien anxiogène nourri des traditionnelles mises en garde contre les turpitudes et débauches de l’Internet… Il y a aussi, et c’est évidemment plus intéressant, les conseils de la CNIL (quoique !), des associations ou organisations parentales ou familiales, d’experts de la médecine, de l’éducation, de la psychologie…

Essayons d’y voir clair.

1. Les logiciels de contrôle parental.

Il y a consensus. Tout le monde s’accorde à penser qu’il faut en installer, jusqu’à l’âge de la fin du collège, vers 14 ou 15 ans.

Si on fait le compte des inconvénients qu’ils induisent, je n’en suis pas certain.

La comparaison n’est pas nouvelle mais elle a le mérite d’être juste : un logiciel de contrôle parental n’est rien d’autre qu’un « airbag ». S’il est certain que ces dispositifs de sécurité ont sauvé des vies, ils n’ont pas toujours réussi à empêcher la mort. Ils ne suffisent même pas à garantir qu’on n’aura pas d’accident, circonstance sur laquelle on n’a pas forcément de prise.

Il en va de même en ligne. Si le logiciel de contrôle parental limite les durées d’utilisation personnelle d’un ordinateur collectif, pourquoi pas ?, à condition toutefois que ces limitations soient expliquées et négociées. Si on compte sur lui pour empêcher qu’un enfant puisse être préservé de la confrontation à des images ou contenus choquants, il ne faut pas rêver : l’« accident » arrivera un jour ou l’autre, c’est une certitude.

Mon sentiment est donc que si le logiciel de contrôle est vu comme la solution à la protection des enfants, il vaut mieux ne pas l’utiliser. A contrario, s’il est vu comme un complément de confort à l’accompagnement qu’on doit à ses enfants, pourquoi pas, mais…

2. Le lieu de l’utilisation de l’ordinateur

Là encore, il y a consensus, c’est le salon, lieu central et collectif.

Là encore, je n’en suis pas certain, loin de là. Et ce pour plusieurs raisons.

D’abord parce que si les enquêtes relatives à l’équipement des ménages, comme on dit, montrent un taux d’équipement important — plus de 3 ménages sur 4 ont, en France, un ordinateur à la maison, mais, surtout 94 % de ceux qui sont parents d’ados… —, elles montrent aussi que près d’1/3 des premiers possèdent plusieurs ordinateurs — ce chiffre est évidemment beaucoup plus important chez les deuxièmes.

Comment gérer alors ces ordinateurs multiples, dont la moitié d’entre eux sont dits portables ? Où les met-on ? Comment les répartit-on ? Peuvent-ils être présents dans la chambre des enfants ? À quelles conditions ?

Par ailleurs, la façon dont on accède maintenant à l’Internet évolue très vite… Les ordiphones (téléphones mobiles ou « smartphones »), les téléviseurs, les tablettes numériques, les consoles vidéos permettent un accès à l’Internet, non filtré du coup…

Tous les adolescents possèdent un téléphone portable — à quelques tout petits pourcents près —, la moitié d’entre eux ont un ordiphone et la moitié encore de ces derniers ont un abonnement illimité à l’Internet.

Du coup, on le voit bien, le lieu de consultation autonome de l’Internet ne peut plus être seulement et exclusivement l’ordinateur central du salon. Il va bien falloir mettre en œuvre d’autres stratégies éducatives… lesquelles seront bien évidemment différentes selon l’âge…

Parlons-en !

3. L’âge de l’autonomie

Le psychologue Serge Tisseron énonce, lui, une règle dite des 3-6-9-12. Selon lui, pas de télévision avant 3 ans, pas de console vidéo avant 6 ans, pas d’Internet accompagné avant 9 ans, pas d’Internet autonome avant 12 ans…

Il va de soi qu’il s’agit, pour Serge Tisseron, d’une règle commode à comprendre et qui doit être adaptée selon les circonstances.

Pourtant, pour ma part, je crois que les adaptations peuvent être plus grandes et sortir très largement de ce carcan. Il en va de la télévision comme d’Internet, on ne peut pas regarder n’importe quoi n’importe quand et n’importe où à n’importe quel âge…

4. Donc…

« Il faut savoir qu’ils [les enfants] feront exactement les mêmes bêtises sur Internet que dans leur chambre. Il faut donc anticiper. » me disait l’autre jour une jeune maman.

Je crois que ce principe, exprimé là pour un espace privé, la chambre, peut aussi s’appliquer à l’espace public :
– on ne va pas tout seul à pied à l’école ou chez un copain sans un sérieux apprentissage sur le chemin et ses pièges, la circulation, les passages protégés…
– on ne discute pas avec n’importe qui dans la rue et on sait ce qu’il convient de faire en cas de rencontres, bonnes ou mauvaises…

Ad lib… Les bons conseils à donner sont simples : faites comme pour ce qui se passe « dans la vraie vie ». De ce point de vue, il n’est pas nécessaire que les compétences numériques des parents, souvent inférieures dans le domaine technique à celles de leurs enfants, soient très affirmées. Les compétences sociales, environnementales, parentales sont un atout fort sur lequel il faut s’appuyer.

L’expérience, la réflexion, la raison, la prudence, le discernement sont bien sûr des valeurs ou des vertus à renforcer pour accéder à l’autonomie et à la responsabilité. Tout cela ne peut pas se faire non plus sans accompagnement, sans proximité, sans échanges, sans connivence, sans disponibilité — je sais, ça n’est pas si facile —, sans partage, sans un peu de complicité, le plus souvent possible… Et tout cela ne peut pas se faire non plus sans consignes, sans recommandations, sans règles, sans permissions, sans interdictions, sans contraintes, sanscadrage, tout simplement.

Et c’est tant mieux si tous ces usages sont expliqués, commentés et, surtout, négociés. Et c’est encore tant mieux si le comportement des parents sur Internet est exemplaire…

Serge Tisseron disait à ce propos que cadrer sans accompagner est aussi inutile que vouloir accompagner sans cadrer. Les deux sont indispensables.

Merci à @davlversailles et @sjoseph78 pour leurs conseils de jeunes parents fort utiles.

Michel Guillou @michelguillou

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Bon, après quelques modifications du code, la une semble reprendre forme humaine :)

Donc, la bière est pour moi. Tant pis !

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