Extrait du Wiktionnaire :
digital masculin
- (Anatomie) Qui appartient aux doigts.
Bon, il y a bien une autre acception usitée de cet adjectif, dans le sens de « numérique » mais il s’agit bien évidemment d’un anglicisme. Je sais à quel point les anglicismes de cet acabit plaisent aux néo-branchés qui y voient là la manière de montrer au microcosme leur branchitude et leur supposée appartenance aux clans si fermés de la technologie et des médias… Mais passons.
Non, la vraie révolution digitale, c’est celle du doigt que les élites autoproclamées se mettent dans l’œil.
Un bel exemple de cette morgue et de cette suffisance des élites nous est fourni encore ces jours-ci par la publication, sur le site Vousnousils, l’« e-mag de l’éducation » — quand je vous disais qu’on était fou des anglicismes, dans les médias branchés ! — d’une fiche pédagogique (sic) des comptes Twitter du monde de l’éducation.
C’est Laurence Juin qui, la première, a relevé la chose sur Twitter et s’est offusquée, à juste titre :
Que trouve-t-on dans cette liste manifestement bâclée ? Les comptes officiels du ministère et du site Eduscol, les comptes des ministres (y compris celui du ministre de la culture et de la communication ! allez savoir pourquoi… ), les comptes officiels des syndicats, de quelques journalistes spécialisés (il en manque, pas grave !), les comptes des médias (attention ! pas n’importe quels médias, les « grands » médias, les vrais, les officiels, pas ceux de l’Internet…), les comptes de quelques musées (attention encore ! là aussi, c’est du sérieux, du parisien exclusif), les comptes officiels de sites de ressources et d’associations divers, les comptes de quatre « spécialistes » dont aucun n’est enseignant (si, un seul, Philippe Watrelot, mais il n’est pas présenté comme tel puisqu’il apparaît comme président des Cahiers pédagogiques), les comptes des académies enfin.
À ce sujet, pour répondre fort justement à cette annonce, on me signale fort justement une curiosité :
Comme il est dit fort justement là, on ne risque pas d’être bien informé !
On pourrait, par ailleurs, s’amuser à relever les oublis, nombreux, des comptes de grands sites, associations ou services, qui traitent d’éducation mais qui ont la malchance de ne publier que les points de vue de minus habens ou de proposer un travail contributif et collaboratif. Je ne veux pas les citer tous, de peur d’en oublier, mais comment ne pas évoquer Educavox, Thot Cursus, Le Café pédagogique, Weblettres, Sésamath, Numericole, Sankoré, Pedago-TIC, Apte, é-l@b… ?
Là, ça y est, je suis fâché avec tous ceux, si nombreux, que j’ai oubliés…
Mais revenons sur cette extraordinaire morgue de certains, persuadés que tout vient des élites et passe par elles, en notant, comme Laurence Juin l’a relevé, l’incroyable absence des comptes de professeurs !
Vousnousils n’était pas obligé de les citer tous, mais il en est tellement d’actifs et particulièrement intéressants et fructueux, tous degrés, de la maternelle à l’Université, toutes disciplines, qu’il était impossible de les rater et de n’en pas mentionner certains. La plupart d’entre eux produisent très souvent, à titre personnel ou parce qu’ils la relaient, une information plus nombreuse et bien plus riche que les sites institutionnels ou de médias mentionnés supra. Et puis, il y a les si nombreux sites de classes ou d’élèves qui travaillent sur ou avec Twitter ! On pouvait au moins mentionner les Twittclasses…
Ne comptez pas sur moi pour dénoncer les manquants…
Il en existe évidemment de nombreux dans l’académie de Clermont-Ferrand qui auraient bien des choses à montrer et à partager…
En l’occurrence, le rédacteur de cette invraisemblable liste — je n’ose croire qu’il s’agit d’un journaliste — fait la preuve de son incompétence et de sa méconnaissance de Twitter, c’est une évidence. Il montre par ailleurs, comme d’autres, sa méconnaissance de ce qu’Internet et les réseaux numériques ont modifié profondément dans les modes de transmission et de construction des savoirs et de la connaissance, mettant ainsi en évidence la sagesse des foules bien évidemment, l’intelligence collective mais aussi la capacité de n’importe qui, à titre individuel, oui vraiment n’importe qui, de porter ses points de vue, ses convictions et l’information dont il dispose à la face du monde, de les partager, d’échanger et de coopérer.
J’ai, dans mon billet précédent, rappelé comment l’encadrement du système éducatif était maintenant dans l’obligation de faire évoluer son comportement et son exposition en ligne pour être à l’écoute des pratiques innovantes du terrain. De même, les cadres, comme les élites des médias, doivent comprendre — je confirme que certains, pas encore assez nombreux, l’ont déjà compris — que le lecteur, le citoyen, le professeur sont maintenant à même de pouvoir influer directement sur les tendances, les évolutions, l’innovation, et d’apporter chacun pour leur part un écot à la construction de savoirs ou de compétences citoyennes et pédagogiques partagés.
En ignorant le travail des professeurs de terrain, en en faisant fi pour n’être à l’écoute que de ce qui aurait pignon sur rue et viendrait du haut, les élites médiatiques et pédagogiques, main dans la main, pour le coup, se fourrent le doigt dans l’œil.
Ne serait-ce pas la vraie révolution digitale ?
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : dhammza et Sanctuary photography → No Longer Active via photopin cc
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