À Ludovia, on ne parlait que de ça… semble-t-il, car je n’étais pas sur place pour l’entendre, une fois n’est pas coutume. C’était le 24 ou le 25 août, m’a-t-on dit. L’annonce a été relayée par la presse et Nextinpact, par exemple, rapporte l’information le 26 août en citant sa source :
« Hier, Najat Vallaud-Belkacem a détaillé les premiers développements de cet effort national de formation, qui aurait selon la Rue de Grenelle “fait l’objet d’un effort financier sans précédent”. Pour le collège “notamment”, “trois jours de formation dédiés au numérique” seront ainsi organisés durant l’année scolaire 2015/2016. Les chefs d’établissement, les inspecteurs, les formateurs et les “personnes ressources” devraient être formés au premier trimestre (donc avant la fin 2015). Suivront ensuite les enseignants et les “équipes pédagogiques”, d’ici l’été prochain. »
Que d’interrogations, de non-dits, de questions encore en suspens !
Un « effort financier sans précédent » ? À quelle hauteur ? Personne n’est capable de répondre, semble-t-il. L’information n’a pas été donnée lors de cette conférence de presse et elle n’est pas non plus disponible sur le site du ministère. Pour certaines académies, l’effort en matière de formation étant nul depuis des années, on ne prend guère de risques à annoncer que ce sera un effort sans précédent… En fait, je ne suis pas certain que quiconque sache combien ça va coûter.
Pour le collège « notamment » ? Cela signifie-t-il que les professeurs des écoles et des lycées ne sont pas prioritaires ? Et pourquoi donc ? Parce que le fameux « Plan » concerne surtout les collèges ? Et, s’il s’agit justement de décorréler l’acquisition d’une culture numérique et l’appropriation de matériels, pourquoi ce choix ?
« Trois jours de formation dédiés au numérique » seront organisés, dit la ministre. Pour qui, les volontaires ? Quand ces trois jours sont-ils mis en place, sur le temps de travail ou pendant les vacances, comme le craignent certains ? Ces trois jours viennent-ils en plus ou sont-ils compris dans le droit de chacun à la formation ? S’agit-il de formations individuelles sur inscriptions ou de formations collectives en établissement ?
Le cadres et les formateurs seraient formés d’abord, selon ce qui est rapporté. Par qui ? Qui sont les formateurs de formateurs ? D’où proviennent-ils ? Quels sont leurs réseaux (non, je plaisante) ?
Quelques éléments de réponses et encore beaucoup de questions
Il faut alors chercher des réponses à toutes ces questions sur les sites institutionnels. Sur le site du ministère, on trouve cette fiche qui contient les mots mêmes rapportés par Nextinpact :
On a déjà un élément de réponse : les formations proposées devraient s’organiser « au plus près du lieu d’activité professionnelle », c’est-à-dire dans l’établissement ou le bassin. En revanche, si je comprends et agrée les principaux axes des contenus de formation « la culture numérique, le pilotage et les projets d’établissement mettant en œuvre le numérique, enfin l’apport du numérique dans les pratiques pédagogiques », je ne comprends pas ce que viennent faire ici l’informatique et les sciences du numérique. Si ces formations peuvent être utiles aux professeurs des lycées qui enseignent les options de seconde et de terminale, je ne vois pas — ce n’est surtout pas l’urgence — en quoi cette formation disciplinaire concerne les autres disciplines du collège. Elles ont d’autres chats à fouetter, à commencer par essayer de se comprendre et de s’entendre les unes et les autres (note du jour : je viens de prendre connaissance des programmes de collège, les lobbyistes informaticiens ont encore essayé et partiellement réussi, semble-t-il, à nous faire prendre des vessies pour des lanternes et l’informatique pour le numérique, histoire de déresponsabiliser un peu plus l’ensemble des enseignants).
Et puis il y a ces grands séminaires qu’on nous annonce, au-delà de la continuation du programme M@gistère… actuellement en maintenance et indisponible, joyeuseté des services centralisés (ce matin, ça marche à nouveau mais je n’y ai plus accès).
Sur la table ronde intitulée « Formation des enseignants au numérique : va t-on vers de l’appropriation ou du détournement ? » (drôle de question !), on n’a, semble-t-il, à lire le compte rendu qui en est fait sur le Ludomag, pas vraiment apporté davantage de réponses, malgré la présence de la directrice de la DNE, Catherine Becchetti-Bizot. Cette dernière, qui vient d’être remplacée par son adjoint Mathieu Jeandron, répond par ailleurs en vidéo à des questions plus précises :
Un compte rendu de cette entrevue est disponible sur Ludovia.
« Les industries éducatives […] configurent nos manières de communiquer et de transmettre le savoir. Nous sommes donc obligés de repenser la formation dans un environnement, dans un écosystème numérique »
Certes. En rapportant les paroles de l’ex-directrice, maintenant chargée d’une mission d’étude des « pratiques mobilisant des pédagogies actives liées à l’utilisation des outils et ressources numériques » (sic, se relit-on dans les cabinets de la ministre ?), l’article indique qu’« il est indispensable que les enseignants échangent et partagent leurs pratiques et aillent vers un modèle collaboratif de formation ».
Certes encore mais… Elle reprend alors un discours déjà entendu que j’avais eu l’occasion de critiquer (1) :
« À l’heure du numérique, les formations doivent se faire par essaimage »
J’ai donc déjà dit que je ne croyais à l’essaimage que s’il était mis en œuvre, orchestré, animé — par l’encadrement pédagogique, bien sûr — et que ce mot d’« essaimage » n’était souvent compris par une administration peureuse et paresseuse que comme la permission de procrastiner encore un peu plus… : attendons donc, ça finira bien par essaimer un jour ! Un bon exemple de cette paresse congénitale peut être vu dans un de mes derniers articles (2) concernant les nouveaux programmes de maternelle : pour former les enseignants, le réseau Canopé propose une démarche verticale de mise à disposition de ressources sur un site web central, à des lustres de la démarche d’un essaimage orchestré comme le préconise l’ex-directrice du DNE.
Interrogée sur les contenus, Catherine Becchetti-Bizot répond que « les enseignants ont aussi besoin d’être formés à intégrer et à transmettre cette culture numérique » qui peut leur permettre d’« apprendre aux élèves à réfléchir à ce qu’ils sont en train de faire lorsqu’ils utilisent le numérique, à ce qui se cache derrière les dispositifs d’information et de communication qu’ils utilisent quotidiennement ». Elle ajoute que les enseignants ont besoin de « savoir comment raccrocher l’usage du numérique aux objectifs de leur enseignement disciplinaire ».
Autant j’agrée l’acquisition d’une culture numérique globale, dont il est d’ailleurs nécessaire de préciser les contours, autant j’éprouve les plus grandes difficultés à comprendre cette intégration du numérique aux objectifs d’un enseignement disciplinaire. S’il s’agit de de comprendre comment aujourd’hui se transmettent les savoirs et se construit la connaissance, s’il s’agit d’acquérir ces nouvelles compétences induites par le travail collaboratif… il est, à mon avis, beaucoup plus important d’apprendre à croiser les regards sur ces connaissances et compétences disciplinaires plutôt que se regarder le nombril pour savoir comment on utilise un TNI en mathématiques ou une tablette en histoire-géographie. Soyons clair, c’est aussi ce qui est au cœur de la réflexion sur la réforme du collège qui suscite la réflexion interdisciplinaire — oh ! si peu, d’ailleurs !
In fine, l’inspectrice générale rappelle que 1 000 formateurs sont déjà opérationnels dans les académies car déjà formés et que ce nombre va doubler en 2015-2016, grâce à des crédits exceptionnels (?). Pour ma part, j’ai comme un doute. La très grande majorité de ces formateurs, s’ils existent, sont bien incapables d’avoir pu eux-mêmes intégrer la culture numérique qu’ils sont censés transmettre ou mettre en œuvre les dispositifs qui en permettraient la transmission. S’ils ont acquis des connaissances, c’est bien plus souvent pour répondre à des préoccupations technico-techniques en mettant les mains dans le cambouis qu’en se préoccupant de pédagogie ou de supposées modifications des postures magistrales. La plupart d’entre ces formateurs sont des référents numériques, le plus souvent en charge de classes, qui n’ont que peu de temps et encore moins d’énergie à consacrer à l’essaimage des pratiques.
L’obscurité, pourtant
Cela dit, les lecteurs du site institutionnel « L’École numérique » ne savent rien de la mise en œuvre de cette formation puisqu’aucun article n’y est consacré. Les recteurs, secrétaires généraux des académies et inspecteurs d’académie, directeurs départementaux, convoqués au ministère le 24 août, n’ont pas eu vent non plus de ce dispositif qui devrait pourtant avoir des conséquences non négligeables sur les budgets académiques de la formation. La ministre, dans son discours, ne dit pas un mot du numérique ni de l’éducation aux médias, dont on avait cru comprendre qu’ils étaient prioritaires…
La lecture des sites académiques ne nous éclaire pas davantage, même si certains — c’est le cas à Aix-Marseille, par exemple — titrent que « L’École change avec le numérique ». Enfin, deux jours après l’accueil des responsables académiques, la ministre fait une communication en conseil des ministres dans laquelle elle rappelle l’importance du plan numérique sans dire un mot de la formation.
Un bilan très contrasté de la formation
Alors, oui, il faut former les professeurs, tous les professeurs, les cadres aussi, tous les cadres.
En formation initiale d’abord même si le chantier semble pharaonique, compte tenu de l’état général de certaines ESPE pour lesquelles le numérique constitue la dernière roue d’une charrette déjà très peu chargée. Il n’est qu’à consulter les tristes et anémiques volets numériques des maquettes de formation pour s’en convaincre.
En formation continue ensuite où les choses semblent enfin un peu changer, nous dit-on. Comment faire ?
Il convient, pour répondre à cette question, de tirer les leçons de l’échec général de la formation dans ces domaines depuis des années. Dans nombres d’académies, les crédits consacrés à la formation des enseignants et des cadres, tous degrés confondus, ont été longtemps très faibles, voire nuls. Quand ils existaient, là encore, le numérique, qui a porté d’autres noms, je ne vous les rappelle pas, n’a jamais fait partie des priorités. Pourtant, dans certaines académies dont une que je connais mieux que les autres, il a quand même été possible, malgré les résistances, de mettre en œuvre une formation au numérique enrichie même de l’éducation aux médias.
Ainsi, ont été formés pendant des années des administrateurs réseaux bricoleurs, bardés de diplômes universitaires, dont la mission consistait à pallier l’incurie dans ce domaine des services administratifs ou techniques de l’État ou des collectivités. Rien n’a véritablement changé, il n’est qu’à consulter les contenus de certains forums techniques en ligne. Heureusement qu’ils existent, d’ailleurs, ces forums ! Tous ces personnels, dont beaucoup aimaient participer sur leur temps libre à ces formations et y trouvaient l’occasion d’enrichir leurs connaissances et d’aider les collègues en difficulté, ont porté successivement différents noms : personnes-ressources, administrateurs, référents numériques…
« Plus qu’une évolution, il convient de changer profondément de scénario et de revisiter de fond en comble l’ensemble de la formation, à commencer par celle des cadres et des formateurs. Quant aux fameux référents numériques, les ouvriers spécialisés de l’accompagnement pédagogique numérique de proximité, corvéables à merci, indemnisés si faiblement, il convient non seulement de les former — c’est bien le moins qu’on leur doit — mais encore de leur donner un statut leur permettant d’être indemnisés à la hauteur du travail considérable qu’ils fournissent. »
Voilà ce que j’écrivais il y a déjà plus de 2 ans (3). Parallèlement, ont été mis en œuvre des dispositifs de formation in situ pour susciter l’engagement numérique des écoles, des collèges et des lycées qui n’ont abouti, bien souvent, qu’à libérer certaines contraintes, permettre l’appropriation d’un outillage bientôt obsolète et favoriser certains usages… fort limités au demeurant. C’était déjà ça.
Et bien sûr, il y a eu de ci, de là, des générations successives de pionniers — cette engeance s’auto-reproduit depuis trente ans (4) — qui ont eu à connaître et connaissent encore (5) les vicissitudes de leur pédagogie innovante, en opposition bien souvent à une hiérarchie jalouse.
Quelques principes simples pour un rendez-vous en terre inconnue
Comment faire pour mettre en œuvre une formation au numérique pour les professeurs et les cadres ?
Ne comptez pas sur moi pour vous le dire précisément. Je n’en sais strictement rien. La question n’est certainement pas celle des outils, qu’ils s’appellent MOOC, SPOC ou BLIP — ne cherchez pas ! — condamnés à l’obsolescence, de privilégier telle ou telle forme, gamification, forum virtuel… de mettre en œuvre tel ou tel média. Sans doute conviendra-t-il de tenir compte des conjonctures et de l’environnement, de la nature et de l’activité propre des écosystèmes et microcosmes locaux… Mais, à mon avis, une formation au numérique renouvelée doit aujourd’hui tenir compte de certains principes propres à faciliter le dessin de ses contours.
Je vous en propose quatre.
Principe n° 1 : l’acculturation numérique est un préalable à la réussite d’une formation professionnelle. Acquérir une culture numérique, c’est d’abord, mais pas seulement, prendre véritablement conscience des enjeux éducatifs que le paradigme du numérique fait surgir. Ils sont nombreux, très perturbateurs et souvent iconoclastes, ces enjeux. Allez expliquer à des inspecteurs pédagogiques que leurs missions doivent changer et qu’ils doivent se transformer en animateurs de communautés en ligne (6) ! Allez dire à un recteur qu’il doit modifier le pilotage académique en profondeur pour mettre entre ses services de la transparence, de la mobilité, de la perméabilité et de l’horizontalité ! Allez expliquer à des professeurs qu’ils doivent descendre de leur estrade et qu’ils ne sont qu’une source d’information parmi d’autres… Vous concevez mieux, je crois, la tâche qui incombe aux formateurs et la bienveillance et l’extrême sensibilité qu’ils doivent eux-mêmes mobiliser à ce sujet.
Principe n° 2 : avec le numérique, les temps et les espaces ne peuvent être les mêmes. Il convient en conséquence de s’écarter résolument des vieux schémas, des vieilles méthodes, de modalités de transmission usuelles et dépassées. Ainsi, après le rappel des objectifs et des attendus, qui marquent en principe le début de la session de formation, la suite doit se poursuivre au rythme de la disponibilité et des progrès de chacun, même si des rendez-vous peuvent être décidés en commun. Il s’agit de s’adapter aux besoins, différents, forcément différents, des professeurs et cadres qui doivent se former. À noter que la tendance est de faire confiance — c’est ce qu’on appelle adaptative learning de l’autre côté de l’Atlantique — aux algorithmes pour faire le boulot… De la même manière, il est tout aussi vain de dire où se déroule la formation. Il va de soi que la formation en ligne, sur une plateforme ad hoc, doit être privilégiée pour sa grande souplesse, même si certaines séances peuvent s’organiser, pour des raisons pratiques, en présence des participants.
Il est nécessaire de prendre conscience que lieux, espaces et formes passent au second plan, l’important étant de s’adapter aux besoins des participants pour mobiliser leur attention, leur collaboration et leur engagement d’une part, leur permettre d’autre part de personnaliser leur parcours. Ainsi, on voit bien que certains mots n’ont plus guère de sens : « salle de formation », « journée de formation » ou « formation à distance », par exemple.
Principe n° 3 : le numérique contraint à modifier les postures. Ainsi, le ou les formateurs sont aujourd’hui contraints à quitter leurs habits moirés mais bien râpés d’experts supposés et à se transformer en animateurs-tuteurs d’une communauté d’apprenants à former. Cette nouvelle posture, qui n’est pas la plus confortable, doit bien sûr être la même en ligne ou en présentiel. Chacun, formateur comme apprenant, peut apporter son écot à la co-construction des savoirs ! Finis les estrades, autels et autres piédestaux, les aréopages et cénacles ! Cela vaut aussi bien sûr pour les formations de cadres lesquelles doivent se passer des tribunes, chaires et autres pupitres, et ça ne va pas être simple. On privilégie par ailleurs les démarches pair à pair, l’horizontalité réticulaire qui ouvre la voie aux échanges, aux partages, aux symbioses, à la collaboration, en proposant, par exemple et de surcroît, de mêler les publics à former, professeurs et cadres administratifs et pédagogiques.
Principe n° 4 : le numérique contraint à redéfinir les missions. Les mots-clés d’une formation au numérique sont la souplesse, la réactivité, la disponibilité, l’interaction permanente entre formateurs et formés. Tout cela s’accommode évidemment fort mal d’horaires et de services contraints, comme le sont généralement ceux des professeurs et des formateurs eux-mêmes. Une telle formation trouve sa place y compris et surtout bien au-delà des traditionnels temps de travail, le soir, le week-end ou pendant les vacances — là, je pressens quelques tressaillements chez mes lecteurs, en particulier les militants syndicalistes.
Et pendant ce temps-là… Et pendant ce temps-là, un aréopage d’experts du laboratoire d’idées Terra Nova fait des propositions très progressistes et décalées à propos du recrutement et de la formation des personnels de l’Éducation nationale — je vous en fais grâce — en mentionnant, dans un rapport de trente-et-une pages (31), une fois le mot « numérique », une fois, pour nous dire qu’il faut « l’utiliser » !
Que dire ? Que ces gens-là ont des idées et que ça se voit.
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : Pixabay sous licence Creative Commons CC0 et orchestre national de Lille (officiel) via photopin cc
- Attendre l’essaimage des bonnes pratiques numériques, ne serait-ce pas procrastiner un peu ? https://www.culture-numerique.fr/?p=1780
- Suzanne entre à l’école, laquelle est censée entrer dans l’ère numérique https://www.culture-numerique.fr/?p=3699
- Faire du numérique une chance pour la jeunesse ? https://www.culture-numerique.fr/?p=343
- Le retour des pionniers du numérique éducatif, saison 3 https://www.culture-numerique.fr/?p=273
- 2015, la grande galère du pionnier du numérique éducatif https://www.culture-numerique.fr/?p=3036
- Inspection pédagogique : vers l’animation de communautés en ligne ? https://www.culture-numerique.fr/?p=1749
[cite]
Comme je t’en veux Michel…
J’ai pris mon temps. Comme souvent. Le temps de lire patiemment ton article comme pour être sûr de ne rien rater. Puis petit à petit le rythme s’est accéléré. J’ai cédé à une forme de frénésie où ce ne sont pas des maux que je cherchais, mais tes mots. Des mots proches de ce que j’attends depuis un petit moment maintenant. Des mots qui vont donner une bonne fois pour toute un aspect concret aux orientations souhaitées et au terrain.
Je me souviens très bien dans nos discussions dans ce car qui nous transporte de l’aéroport à Ax les Thermes. Je t’écoute attentivement et je ne peux m’empêcher de penser que notre travail, en EPS, aurait mérité d’être discuté comme tu m’en parles aujourd’hui. Sortir des carcans dictés par des choix structurels toujours plus discutables, se servant des erreurs passées pour en accumuler d’autres.
Et PRO-EPS, les applications mobiles, le nomadisme, les formations en EPS, les supports scientifiques interrogés, au service de la pédagogie et non le contraire. On en parle quand Michel ? Pourquoi peu d’exemples et que des bonnes résolutions. Mais bien sûr que les enseignants « videoprojeteront » leurs cours encore longtemps en faisant du « numérique » à ce rythme. Et alors ? Si on ne démarre pas par ça, on s’intéresse à quoi ? et n’aboutirons-nus pas de fait à une confrontation plutôt qu’à une critique répétée et fatigante, usante…
La mauvaise pratique n’est pas un mal. L’erreur, son statut, est omniprésente dans l’apprentissage. C’est le fait de ne pas pouvoir en discuter et sortir d’une discussion sans autre solution qui est navrant. Je te rejoins sur la verticalité des formations et l’inertie qui en découle, voulant rassurer les « penseurs supérieurs » débordés sur les flancs et dans l’axe du terrain sur leur capacité à être encore utiles dans ce domaine, mais surtout celui principal de cette pédagogie bouleversée dans ses mises en oeuvre. Laissons-les de fait apprendre…
Je vais déjà trop loin. Je voulais juste réagir. A tiède. Réagir et dire que tout cela c’est bien peau, mais demeure philosophique sur la forme. Quand pourra-t-on parler de ce qui peut fonctionner parfois et le mettre en valeur en dehors de toute structuration structurante mais simplement pragmatique ?
Tu vois de quoi je veux parler ? Non ? … des élèves Michel, des élèves !
Car j’accorde aux usages, aux outils, cette propriété particulière peu exprimée en tant que telle : interroger la pédagogie à partir des plus values du numérique et non une dévotion complète au faire pour faire.
Pétard Martial, je n’arrête pas d’y penser, aux élèves ! Mais eux n’attendent pas, pour ce qui concerne le numérique, et je me fais moins de soucis pour eux que pour l’institution et tes collègues.
La réflexion sur la formation et les outils (et les pratiques disciplinaires) n’a pas de sens si on ne pose pas quelques principes, voir ci-dessus, faute de quoi on pose un sparadrap sur une plaie béante.
Je sais, c’est une comparaison idiote.
Bon dimanche :)
Je peux comprendre tes inquiétudes, et je vois très bien de quoi nous parlons…
Je place un cran en amont le coeur du problème. Au sein de cette institution intermédiaire qui gui de les choix, trop souvent par convictions personnelles plus que par relation réelle au terrain. Par influences néfastes, plus que par rapport à la réalité.
Ces instances (dont tu as fait partie) existent du fait de l’impérative nécessité de passer par elles, non pas du fait de leur réel impact sur la pédagogie, mais de part leur fonction d’intermédiaire dans les dossiers.
Sur le cas du numérique, c’est flagrant.
Mais le tableau que tu dresses, si l’on retire ce voile mal connu (cf. un des derniers 20h sur France 2), n’est pas si noir. Et je peux t’assurer, moi-même étant toujours sur le terrain, que les enseignants sont des victimes (et de plus en plus nombreuses), plus que des coupables. « Responsables mais pas coupables » ? Non, très clairement des victimes.
J’irai même plus loin. Supprimons les préoccupations économiques qui planent autour du numérique, et tu verras que la pédagogie n’en souffrira pas. Laissons le s’intégrer au gré des choix personnels et concentrons noous sur les moyens d’appuyer les mises en oeuvre et tu verras que les inégalités patentes s’estomperont de fait.
Du fait de la concrétisation des projets, de la sortie de cette aire expérimentale permanente, et de l’enthousiasme qu’il y a à ne pas attendre que tout soit calibré, paramétré et configuré pour avancer.
« Simple et Efficace » Michel … j’insiste !
Merci des commentaires, Martial. Il faut vraiment que nous en parlions…
Bonjour Messieurs
Petit apport fort peu intellectuel de ma part concernant les enseignants « victimes » : oui, bien entendu, surtout d’un point de vue technique. Beaucoup de points d’interrogations sur la formation des enseignants, certes, mais en ce qui concerne la maintenance de ces ordis distribués comme du riz dans les pays en crise, c’est black out ! Les ordinateurs sont distribués, ok : quel contenu ? quelle maintenance ? quel accès à l’Internet ? quelle gestion des casses et autres tracasseries ? Allons, soyons sérieux, beaucoup de réseaux, surtout en collèges laissent à désirer et découragent…
J’émettrais ici simplement quelques bref commentaires à partir de faits ou de citations:
3 jours de formation : ridicule sur le timing. De plus, que signifie « formation au numérique » ?? Outils, venter les mérites et apports de certains outils ?…
« beaucoup plus important d’apprendre à croiser les regards sur ces connaissances et compétences disciplinaires » vive l’abolition des disciplines ! (je suis sérieuse)
« Ces formateurs, s’ils existent, sont bien incapables d’avoir pu eux-mêmes intégrer la culture numérique qu’ils sont censés transmettre » Oui, il est rare que l’on sorte enrichi des formations dites numériques.
Les formateurs n’ont pas le temps : il n’y a plus de décharges mais des IMP. Résultat : plus de RUPN dans mon établissement.
« Alors, oui, il faut former les professeurs, tous les professeurs, les cadres aussi, tous les cadres. » J’ajouterais : surtout les cadres qui sont censés impulser des politiques et tes pratiques. J’ai eu l’occasion de les former, j’ai été atterrée…
« De la même manière, il est tout aussi vain de dire où se déroule la formation. Il va de soi que la formation en ligne, sur une plateforme ad hoc, doit être privilégiée » oui mais dans ce cas j’en mets ma main à couper : pas plus de 5 enseignants de mon établissement suivront cette formation. Alors, facultative ? Échec garanti, comme avec les élèves. Pareil pour la co-construction des savoirs, il faut de la motivation !
Merci pour les commentaires. Le débat continue…
flo_dlf, je vous rejoins dans votre agacement…
Si je peux me permettre, « flo_dlf », pour moi c’est très abstrait. Dans ce débat, une identité permettrait de mieux comprendre à qui l’on s’adresse. Ceci est dit.
J’abonde dans le sens de vos remarques, mais l’objectif à présent n’est plus de se morfondre sur soi-même, mais bien de revendiquer nos droits, basés sur nos compétences.
Je suis convaincu que pas de choses ont bougé du point de vue des enseignants, tout simplement parce qu’ils sont les premiers concernés. « Faire entrer l’école dans le numérique » c’est bien un argument de cadre… Elle y est entrée, bien avant qu’ils en prennent la mesure, et aujourd’hui, elle doit y avancer.
Pour cela, il faut structurer un réseau de compétences. Ce qui n’est pas la première préoccupation des opérateurs actuels, alors qu’elle me semble la plus importante. Pourquoi ce constat ?
Aujourd’hui, les directions prises, le sont par choix (ou influence) politique et économique. Il n’y a pas d’engagement ferme et je doute qu’on y arrive un jour de manière efficiente.
J’en iens pour preuve nombre de tables rondes et de colloques qui s’interrogent sur les usages, mettant en scène d’un côté les enseignants (pour décorer ?) et de l’autre la représentation de tout ce qui peut exister d’autre autour du numérique, au gré des thématiques. Mais la tendance actuelle est bien de ne pas oublier la décoration. Alors il faut en profiter pour appuyer sur cet incontournable qu’est : notre vision précise de ce qu’est un élève et de ce que le numérique peut apporter dans notre pédagogie.
Michel Guillou pense apparemment que les profs sont restés congelés en 1970… et n’utilisent pas encore le « numérique ». Font-ils partie de la société oui ou non ? Et encore cette antienne comme quoi, l’élève en sait plus que le prof sur le numérique… pffffffff. Qu’il se dise une bonne fois pour toute que le numérique est lié à la technologie et que la technologie est liée à l’investissement mais aussi à la maintenance. Qu’il aille maintenant participer aux CA des collèges, aux conseils d’écoles et qu’il analyse les budgets. Autre chose, ce qu’il affirme ressemble au catéchisme – les enseignants savent bien que les chemins qui mènent au savoir sont nombreux (et le numérique ne suffit pas à apprendre à lire ou à réfléchir- cela ne peut que constituer un moyen mais ce n’est surement pas le nirvana de l’éducation). Et puis, il oublie une chose, notre indépendance. J’en suis fier. Je ne veux pas qu’on ouvre la porte à Samsung ou Apple qui tambourinent depuis un moment, ou encore à toutes ces pages de pub qui clignotent sur internet quand les élèves surfent pour chercher une info…