«Numérique et éducation, entre appropriations et détournements », tel est le thème de la 12e édition de Ludovia à Ax-les-Thermes, très bientôt. Franchement, si vous n’avez rien de mieux à faire en cette fin août, c’est là qu’il faut être, sans aucun doute. C’est magique, du matin au soir. Pour ma part, je vais cette année manquer le rendez-vous et j’en suis fort désappointé.
Pour tout dire, j’éprouve quelques réticences pour accepter cette idée de s’approprier le numérique, en matière d’éducation comme dans d’autres domaines. S’approprier, c’est prendre pour soi, c’est devenir propriétaire, d’une certaine manière, et l’acception me paraît peu compatible avec ce que je sais du numérique et de ce qu’il induit de partage et d’horizontalité réticulaire — clin d’œil à mes complices de Nipédu. On peut aussi le comprendre comme une accommodation, une acculturation progressive, une manière d’avancer les bras pour mieux cerner, pour mieux comprendre — com-prendre ? —, pour mieux appréhender… S’il s’agit de cela, j’agrée bien volontiers cette démarche, à condition que les bras qu’on avance puissent rapidement s’ouvrir. Il ne s’agit pas de générosité, il s’agit juste d’enrichissement mutuel.
Dans ce deuxième sens, oui, il faut s’approprier le numérique, d’accord. Sauf à s’assécher, quand on a soif, il faut boire.
Le détournement est consubstantiel du numérique, lui aussi. Détourner le numérique est presque un pléonasme. Il en va d’ailleurs du numérique comme de l’innovation, c’est quand ils commencent à s’institutionnaliser — des colloques et salons pour le premier, une journée annuelle pour la deuxième, des services académiques pour tous les deux — qu’il convient d’être à leur sujet encore plus disruptif, comme on dit, voire subversif. On voit bien comment cette institutionnalisation est facteur de sclérose quand le numérique consacre et sublime les usages au détriment des pratiques professionnelles et de l’engagement.
Michel Serres, en réponse à L’Hebdo, dit privilégier les errances, zigzags et bifurcations pour pouvoir, de manière lucide, créer et inventer. L’école n’échappera pas non plus à cette obligation. Les tenants rabougris de la fermeture et du repli sur soi et sur des valeurs surannées ont perdu d’avance, soyons-en certains.
Cette nouvelle édition de Ludovia sera disruptive, j’en fais le pari. Et les zigzags des participants seront plus à mettre au compte des doutes, des hésitations, des volontés de contourner ou de détourner, de « hacker » l’école, peut-être, que des quelques et légers excès de boisson vespéraux.
À tous, à Aurélie, à Éric, à tous les amis, à tous les autres, je souhaite une superbe nouvelle édition. Je vous embrasse.
Michel Guillou @michelguillou
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