La médiocrité est consubstantielle de l’humanité, il faudra bien que nos brillants penseurs s’y fassent, c’est comme ça…
À propos d’Internet, il est de bon ton, dans les milieux autorisés, de s’en prendre à lui, aux médias qui le traversent et, surtout, aux messages qui y sont véhiculés. Ce n’est pas si vieux. Cela a commencé il y a 3 ou 4 ans…
Rappelez-vous, en juillet 2007, alors qu’émergeaient du web de nouveaux médias d’information participatifs, Éric Fottorino, alors à la tête du Monde, nous gratifiait d’un édito vengeur où il dénonçait les « pseudo-médias alimentés par de pseudo-journalistes, qui se soustraient aux règles élémentaires du métier… ». Que penser aujourd’hui de ces pseudo-journalistes — les journalistes y sont tous venus — présents sur Twitter, Facebook ou la blogosphère et de la manière dont furent traités récemment, en partie grâce à eux, nombre d’événements dans l’actualité récente, à Haïti, en Tunisie, en Lybie, en Égypte, en Syrie, au Pakistan, à New-York ?
Peu de temps après, Jean-Pierre Elkabbach, avant son départ, avait lancé son comité d’éthique (sic) à Europe 1 s’élevant contre ces médias de « l’ère de l’immédiateté, de l’apparence, de la dictature de l’émotion… ».
Ce sont les mêmes, qui dénonçaient, avec les mêmes mots, hier encore, Wikileaks… qui a, depuis, fait bien des petits… et reçu tant de soutiens.
Rappelez-vous encore les petites phrases amères, il y a 2 ans, d’Alain Finkielkraut dénonçant le « désastre » qui touche l’école, confrontée à la fois à Internet et au langage texto… Rappelez-vous, peu de temps après, Denis Olivennes, alors patron du Nouvel Obs’, confirmant son aversion de l’Internet, « tout-à-l’égout de la démocratie ». Rappelez-vous, fin 2009, Pierre Arditi, sur le plateau de France 2, assénant le splendide « ensuite c’est formidable que les gens s’expriment… après tout pourquoi pas… ». Sur ce même plateau, Elisabeth Lévy abondait : « Les gens ne sortiraient pas toutes ces vidéos, si ils savaient qu’elles ne seraient pas publiées ».
Owni nous livre un compte rendu édifiant de cette émission.
Depuis, cela n’a pas cessé. Il n’est pas un seul débat sur le sujet, dans les médias traditionnels, pas une seule table ronde traitant des évolutions de l’information où l’un quelconque des participants n’émette une sentence définitive sur la médiocrité endémique d’Internet.
Ce sont alors d’incessantes attaques de communicants médiatiques mais débranchés, de philosophes ébahis et ringards, de politiques réactionnaires qui, plutôt que s’abaisser à apporter la contradiction à ce qui se dit à leur sujet, préfèrent attaquer le média à boulets rouges. C’est pratique.
C’est la participation-même au débat des lecteurs, dans les commentaires ou les interactions, qui serait ainsi, de manière globale et générique, le vecteur ordinaire de la médiocrité. Au-delà de cette dernière, ce sont les mêmes commentateurs de l’info, jeunes de préférence, qu’on a aussi désignés, sans aucunement craindre la caricature, comme des pirates, des alcooliques, des insulteurs et harceleurs, irrespectueux de la vie privée et de l’image des autres. Le tableau est ainsi complet.
Ne nous y trompons pas, c’est la liberté d’expression qui est ainsi mise à mal et menacée ! Derrière la volonté de dénoncer la lie du commentaire et la fange de la participation, c’est bien la capacité du citoyen à critiquer le fait politique ou, peut-être même, l’opinion consensuelle des intellectuels qui est mise à mal.
L’Internaute est comme le quidam des ères pré-Internet, il est tout à la fois médiocre et génial, magnifique et laid, humain et monstrueux, vertueux et dépravé.
Et ce papier ne prétend lui-même à rien d’autre qu’à la pleine et entière médiocrité, corollaire de mon droit inaliénable et fondamental à m’exprimer.
[cite]
Laisser un commentaire