La lecture des règlements intérieurs des collèges et des lycées est une activité à laquelle je m’adonne à l’occasion, furtivement. C’est presque toujours pour moi une cause de joie et de ravissement. Ces textes ont comme une odeur de vieux parchemin désuet, dussent-ils être disponibles en ligne dans un format numérique.
On y trouve, de ci, de là, des paragraphes entiers manifestement mal ou jamais relus qui sentent encore bon les encriers d’hier et les blouses grises. Ils concernent en général le rôle des parents, la notation, les sanctions ou les obligations des élèves…
Pour ce qui concerne ce billet, aujourd’hui, je ne m’arrêterai qu’à la lecture de deux points particuliers : ce qui concerne les droits de publication des élèves d’une part, la gestion des appareils numériques des élèves d’autre part.
J’ai restreint par ailleurs mon échantillon de règlements intérieurs à ceux des seuls lycées publics, dans l’ordre où la requête « lycée règlement intérieur » me les a présentés dans mon moteur de recherche favori.
Le droit de publication des lycéens
Il est, pour l’essentiel, régi depuis 1991 grâce à la circulaire (modifiée le 1er février 2002) sur les publications réalisées par les élèves dans les lycées. En 2002, les lycéens n’avaient pas encore investi le web et les blogues n’existaient que depuis peu. La circulaire fondatrice des droits des lycéens en matière de publication, même revisitée en 2002, ne pouvait alors pas prendre en compte le formidable élan de publication en ligne auquel nous assistons depuis dix ans. Rares — ils existent pourtant — sont les règlements intérieurs qui prennent en considération ces nouvelles dimensions. La vieille distinction qui sépare les publications lycéennes, internes, et les publications de presse, externes, qui n’avait d’ailleurs que peu de sens déjà tant est grande la porosité des murs des lycées, ne vaut évidemment plus tripette à l’heure du numérique et de l’Internet accessible partout.
Les curiosités rigolotes ci-dessous sur ce point du droit à publier concernent donc d’abord les entraves au droit commun — les chefs d’établissement ne sont pas fondés, par exemple, à exercer une censure quelconque a priori sur les publications lycéennes. Par ailleurs, ces mêmes proviseurs seraient bien avisés, comme le leur permet pourtant la loi, d’éviter de suspendre ou d’interdire a posteriori la diffusion d’une publication quelconque dans le lycée, ne serait-ce que parce que, bien souvent, l’histoire et la jurisprudence ont montré que le tribunal administratif donnait en général raison aux jeunes journalistes lycéens qui avaient le courage de donner suite et cassait les décisions d’interdiction. Trop tard, le plus souvent…
Rappelez-vous, Ravaillac, au lycée Henri IV à Paris, en 2002…
De manière plus anecdotique, les paragraphes ci-dessous montrent aussi le décalage — nombreux sont ceux à penser que la fracture se situe là — entre les us de l’école et les pratiques numériques des jeunes lycéens.
L’appareillage numérique des lycéens
De manière générale, à quelques notables exceptions près qui évoquent — oui, oui — des tolérances et des utilisations pédagogiques, l’usage de ces appareils numériques, téléphones, baladeurs, fait l’objet de répression. On interdit, on stigmatise, on confisque ! On ne négocie jamais.
C’est d’autant plus dommage que, contrairement aux écoles et collèges où l’usage est interdit par loi, rien n’empêche de faire de ces terminaux d’accès au lien social et à la connaissance des complices éclairés de l’acte d’enseignement. Lisez bien les terribles lignes ci-dessous qui nous paraîtront complètement décalées dans quelques années !
Les Conseils de la vie lycéenne de chaque lycée ont-ils été consultés pour l’écriture de ces lignes, comme la réglementation le prévoit ? J’ai comme un doute…
Allez ! Petit florilège…
Lycée M. à B.
« Afin d’éviter les tensions et d’en arriver à des sanctions disciplinaires ou à des poursuites judiciaires, il est souhaitable que toute publication soit présentée à la lecture du Proviseur (sic pour la capitale initiale) ou de son représentant avant sa diffusion.
À l’intérieur des locaux, les baladeurs, téléphones portables et assimilés, ainsi que tout objet nuisant au travail scolaire, ne doivent pas être en état de marche quelle que soit la fonctionnalité utilisée.
L’usage de la fonctionnalité photo d’un téléphone mobile ou de toute autre forme d’enregistrement par tout autre moyen sont (sic) interdites au sein du périmètre de l’établissement sauf accord préalable du Proviseur. »
Lycée M.-L. à R.
« Les publications rédigées par les lycéens peuvent être librement diffusées dans l’Établissement (sic). Au préalable, elles seront présentées au Chef d’Établissement (sic pour les capitales initiales) ou à son représentant, afin d’éviter tout écrit à caractère injurieux ou diffamatoire. Celui-ci (sic) informera les auteurs de son sentiment sur leurs écrits, éventuellement des risques qu’ils encourent, et peut suspendre ou interdire la diffusion de la publication.
La confiscation d’un appareil prohibé (téléphone mobile, baladeur, etc.) quand elle est effectuée par un enseignant peut toutefois exposer celui-ci à une réaction hostile et constituer pour lui un risque si ce conflit dégénère. Par conséquent, les enseignants ne doivent pas se saisir eux-mêmes de l’objet à confisquer : ils enverront l’élève fautif muni d’un bref rapport d’incident au Conseiller Principal (sic). »
Lycée B. B. à C.
« Tout texte, toute publication, toute affiche doit être visé au préalable par le Chef (sic) d’établissement et signé par son auteur. »
Lycée S. à L.
« Il est interdit aux élèves d’introduire des postes de radio ou autres appareils sonores. L’usage des baladeurs, téléphones mobiles (même pour la fonction calculatrice) et autres moyens de télécommunication, n’est autorisé que dans le foyer des élèves ou à l’extérieur des bâtiments. »
Lycée H. à V.
« L’utilisation du téléphone portable ou de tout type de messagerie personnelle est interdite dans les locaux. Le chewing-gum et les baladeurs sont interdits dans les bâtiments et au gymnase. »
Lycée F. à B.
« Les conditions de la publication font obligatoirement l’objet d’une concertation préalable avec le proviseur du lycée qui rappelle au responsable les droits et les contraintes en la matière. Sur décision du proviseur ou sur demande des élèves responsables du projet, une « charte » spécifique est établie, fixant les modalités de fonctionnement de la publication. »
Lycée J.-V. à M.
« Aucun objet susceptible de créer du désordre dans l’établissement ne doit y être apporté. Sont donc interdits : les couteaux, autres armes, bombes lacrymogènes et dispositifs à laser… L’utilisation d’appareils permettant l’émission ou l’enregistrement de sons ou d’images est interdite dans les locaux. Les téléphones portables doivent impérativement y être éteints également. »
Lycée C. à B.
« L’utilisation d’appareils d’enregistrement du son ou de l’image, la distribution de toute publication et l’organisation de toute réunion sont soumises à une autorisation préalable du Chef d’Etablissement (sic encore). ».
Lycée J.-V. D. à A.
« Les publications rédigées ou affichées par les élèves/étudiants pourront être diffusées, après déclaration auprès du chef d’établissement du nom du responsable de la publication. »
etc.
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : JaHoVil via photopin cc
[cite]
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