Quand Emmanuel Davidenkoff parle de tsunami, à propos du numérique et de l’école, qui croyez-vous que cela qualifie ? Pensez-vous que la vague qui déferle, c’est l’école ? Qui, croyez-vous, va y laisser des plumes ? Qui va être submergé, englouti ? Qui va devoir reconstruire sitôt la vague passée ?
Le #numérique au service de la #pédagogie c'est au Rdv des lettres du 17 au 19 nov! Thème : #parole #ecolenumeriquehttp://t.co/LulddhOBzk
— Éducation Numérique (@Edu_Num) November 15, 2014
C’est par ce tweet que le compte officiel de la Direction du Numérique pour l’Éducation nous invite, ce à quoi je répondrai favorablement car c’est un moment exceptionnel, même si la deuxième édition en 2011 fut très décevante (1), à assister à la BNF au cinquième rendez-vous des lettres, trois journées au Plan national de formation.
Ainsi donc, pour le ministère, le numérique serait au service de la pédagogie !
C’est, à mon avis, une formule particulièrement maladroite. C’est le genre de formule toute faite, qui sonne bien, qui ne fait de mal à personne, capable de créer autour d’elle un consensus de bon aloi, chez les aventuriers comme chez les réticents du numérique, qu’on risque d’entendre et d’entendre encore, pendant de longs mois, ça et là, dans la bouche de nombreux cadres incultes — ils ne sont pas tous, loin de là, mais il y en a de sévères…
Je le sais, je l’ai vécu. Ces gens-là sont capables de vous parler du numérique la bouche en cœur mais l’injonction dans la poche, sans y connaître goutte. Ils sont alors capables d’accumuler dans le même discours ces bêtes phrases dont le sens même leur échappe. Ainsi, par exemple :
« Le numérique doit rester au service de la pédagogie »
« Il nous faut maintenant développer les usages du numérique »
« Il faut mettre le numérique au cœur des apprentissages »
Ad libitum.
Si Davidenkoff a raison, ce que croient de nombreux observateurs et prospectivistes des mutations de la société, si donc la rencontre du numérique et de l’école — car il s’agit bien d’une rencontre, d’un rendez-vous — s’avère être un tantinet cataclysmique, il est totalement impossible de dire que la vague est au service de ce qu’elle engloutit. Pour Davidenkoff, la pédagogie sera bien sûr complètement bouleversée, les apprentissages seront mis en œuvre selon des approches et des modèles, pour ne pas dire des dimensions paradigmatiques complètement différentes. Dans ce cas, la place du maître, sa posture, les repères habituels de l’enseignement, temps, espaces, l’appropriation des connaissances et la construction des savoirs seront définitivement mis à mal et devront être rebâtis.
Si Davidenkoff exagère, ce qui me semble plus vraisemblable car je crois qu’il a choisi cette formule pour éveiller les consciences et attirer l’œil du chaland, la rencontre du numérique et de la pédagogie, sans être cataclysmique, ressemblera plutôt, après quelques secousses telluriques, à la surrection d’une autre école, d’un système éducatif qui proposera d’autres modalités pour apprendre, dans les deux sens du mot. Et même si ce sera sans doute plus rapide que la construction de la chaîne alpine ou de l’Himalaya, c’est sans doute sur un temps très long que les nécessaires transformations rappelées ci-dessus s’opéreront.
Même dans ce dernier cas, le numérique ne sera pas plus au service de la pédagogie que cette dernière au service du premier
Le numérique a tellement diffusé dans la société, inondé et intégré cette dernière, il a tellement modifié les comportements intimes et sociétaux de notre jeunesse qu’il ne peut être en aucun cas considéré seulement comme un petit grain de sable qui viendrait gripper la machine. La pédagogie, que rien ni personne — sauf peut-être quelques réactionnaires rigolos — ne condamne à l’immuabilité, devra se transformer et se refonder au contact du numérique tout autant qu’elle le modifiera sans doute.
À nous de mettre du positif et de l’heureux à cette rencontre.
Et vous, quel est votre avis ?
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : MyNameHere via photopin cc
- La conjonction de deux incultures… #pnflettres https://www.culture-numerique.fr/?p=59
[cite]
Mon avis ?
Et bien, je dirai qu’une forte tendance à remettre beaucoup de choses en question, nait certainement de la difficulté à s’en sortir réellement après avoir essayé et … échoué.
Sur le terrain, les choses ne sont pas aisées, c’est une réalité. Pire que tout, même les plus performants d’hier, véritables porteurs de projets, se découragent face aux dysfonctionnements … techniques.
Et oui ! j’ai lâché les mots, ou disons plutôt les maux !
Quand d’idées simples, institutionnels ambitieux et politiques ambitieux se sont emparés, sont arrivées les impératives nécessité de généralisation. Et avec elles, les marchés. Et avec eux, la prise de conscience que ce n’était pas aussi simple. Mais comme on n’admet difficilement ses erreurs…
Et bien aujourd’hui, on rejette la faute sur l’autre. Par exemple, il m’est arrivé d’entendre d ‘un côté qu’on avaot équipé majoritairement des écoles et que le matériel y dormait…
Mais quelles écoles ? Quelles demandes ?
La pédagogie ne se différencie-t-elle pas au sein des territoires comme au sein des classes ? Et pour la réussir, les moyens sont-ils les mêmes partout ?
Que des textes et programmes nous guident… mais pourquoi uniformiser les moyens d’atteindre des objectifs dont on sait qu’ils sont le résultat de cheminements différents ?
Et bien voilà. Aujourd’hui, pour exister après avoir existé une première fois, on prend un chemin inverse, plus critique, mais surtout loin de la réalité de ce qui se passe sur ces merveilleux moments que sont des séances où l’on constate qu’un moyen nouveau, original et simple peut apporter des résultats infimes, insignifiants et pourtant si importants parfois…
Mon avis est qu’il faudrait arrêter de chercher le graal pédagogique et écouter les attentes, demandes et besoins. On trouvera des cadres à proposer, et des méthodes pour avancer. Mais pas celles des ambitieux pour eux, juste celles de ceux qui le sont pour les autres … leurs élèves, leurs stagiaires, leurs collègues … par exemple.
A très bientôt Michel.