Cette semaine se tient à Paris, à la Porte de Versailles, l’inusable et désormais traditionnel salon Éducatice, dit « salon professionnel de l’éducation » (!).
Les enjeux industriels
Si l’on peut comprendre qu’Éducatice est bien le salon des professionnels de l’éducation, force est de constater que ces derniers mettent un enthousiasme, disons, modéré à leur présence sur place. Les stands sont moins fournis, les espaces plus réduits, l’investissement est plus faible d’année en année. À mon avis, plusieurs raisons peuvent expliquer ces freins, au premier rang desquelles le manque cruel d’impulsion et de coordination des pouvoirs publics depuis de longues années, la commande publique faible et décentralisée mais aussi sans doute la frilosité des industriels et leur faible capacité à innover.
C’est une des raisons pour lesquelles il convient, à la veille d’Éducatice, d’accorder une attention particulière au rapport de l’inspection générale de l’été dernier : « La structuration de la filière du numérique éducatif : un enjeu pédagogique et industriel ». Ce rapport est, à mon avis encore, un coup d’épée dans l’eau. Il fait des diagnostics imprécis et parfois erronés et formule, pour relancer l’activité industrielle au service du numérique éducatif, des préconisations bâties sur des modèles centralisés, donc surannés et si peu innovants. Je pense en particulier aux propositions qui concernent l’offre de ressources, la formation et l’animation des communautés enseignantes et le droit des auteurs dont personne n’imagine, à la lecture du rapport, qu’elles sont proposées dans ce nouveau siècle.
J’y reviendrai.
Les enjeux culturels
S’il s’agissait de mettre en adéquation l’école avec la société et les pratiques des jeunes, et donc de décider que l’objectif d’Éducatice est bien aussi de participer à l’effort national d’engagement dans le numérique et donc de promouvoir ses aspects éducatifs, on aurait pu décider qu’il était temps de tourner le dos aux Tice, de moins s’attarder sur les technologies, d’avancer sur l’acculturation numérique. En conséquence, on aurait pu décider, histoire de marquer la rupture et de la mettre en adéquation avec la politique du ministère, d’appeler ce salon autrement : « Salon de la culture et de l’économie numériques pour l’éducation » ou, plus simplement, « Edunum » ou « Numedu » ou…
Non. Il persiste dans le nom de cette manifestation ce « T » dont on sait maintenant qu’il constitue, de manière souvent imperceptible, un frein considérable au développement des pratiques numériques pédagogiques des professeurs. Il en va de même pour l’administration.
S’il s’agissait d’engager résolument les utilisateurs enseignants à rencontrer les industriels, on aurait pu, par exemple, décider de proposer des modalités de rencontre et d’échanges qui vont au-delà du programme classique de conférences, de tables rondes et d’ateliers.
Je n’ai rien contre ces tables rondes, bien au contraire, il m’arrive même d’être invité à y siéger, mais il faut bien observer que le programme qu’on nous propose, cette année plus encore que les années précédentes, ne constitue qu’une insipide noria de communications verticales juxtaposées desquelles le débat est quasiment absent.
Ce qui fait la force de ces rencontres, ce sont les échanges, les débats, la contradiction, les arguments qui s’opposent, le refus du consensus. Ce qu’on nous propose en l’occurrence, n’est ni nouveau ni innovant ni propre à susciter la réflexion et les échanges avec les visiteurs — par quel moyen ? on se demande bien. Dommage ! C’est pourtant la force du numérique que de susciter ces échanges et de proposer les modalités techniques de leur mise en œuvre.
Là, on a l’impression désagréable d’un événement convenu à la mode 1.0 du dernier millénaire…
On ira quand même, cela va de soi, ne serait-ce que pour rencontrer les ami(e)s et boire moult cafés. Et quelques bières aussi. Et réinventer l’école, à la mode numérique.
Avec vous ? Histoire d’être surpris. Peut-être…
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : HikingArtist.com via photopin cc
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