C’est vrai, ces derniers temps, il n’a pas été aisé de montrer à l’égard de l’Internet et ses services une grande confiance. Entre les pratiques attentatoires des services de sécurité américains à nos comportements en ligne les plus intimes, sous prétexte que nous serions des terroristes en puissance, les lois liberticides votées par nos députés et les pratiques tout aussi scandaleuses des marchands qui font commerce gras et juteux de nos données personnelles, il convient pour le citoyen, le simple consommateur comme le citoyen numérique ou l’acteur le plus engagé, de montrer une vigilance raisonnée et de prendre, en conséquences les précautions élémentaires et nécessaires.
Vous me connaissez : hors de la raison, point de salut ! Je refuse — j’en fais une question de principe — d’accorder quelque crédit que ce soit aux chantres frénétiques du tout sécuritaire, d’où qu’ils viennent, qu’ils fassent commerce économique, politique ou idéologique de la peur ou qu’ils se fourvoient, de manière inconsciente le plus souvent, dans des solutions inadaptées au problème !
« Vous avez le droit de garder l’anonymat. Tout ce que vous publierez pourra être retenu contre vous ». C’est ainsi que, pour faire un bon mot sans doute, Trend Micro, qui fait commerce de sécurité informatique pour la famille comme pour les entreprises, introduit une infographie très anxiogène relative aux risques que chacun peut prendre en publiant sur les réseaux sociaux.
La consigne de l’expert spécialiste éminent en sécurité est limpide : sur Internet, sur le web, sur les réseaux sociaux, n’écrivez rien, ne publiez rien, ni vidéos, ni photos, ni textes bien sûr, bref taisez-vous et fermez-la. Et si vous ne pouvez pas faire autrement, si les pulsions sont trop,fortes, ne dites rien de qui vous êtes, ne dévoilez rien de votre identité, n’assumez rien, mettez un masque, signez de n’importe quel pseudo, Dark Vador, Fée Clochette, Germaine, au choix, peu importe..
Merci M. Trend Micro.
Mais ce marchand n’est pas, loin de là, le seul à nous faire la morale et à vouloir nous dicter notre conduite. J’ai déjà évoqué, dans un billet récent, la naissance simultanée et curieuse de tous ces sites consacrés à l’éducation aux médias, y compris là où on ne les attendait pas… J’y expliquais notamment pourquoi il était vain, le plus souvent, de vouloir faire la leçon, par exemple, à des adolescents à propos d’une supposée vie privée qu’ils devraient préserver, incapables qu’ils sont — c’est comme ça, c’est de leur âge — de tracer la ligne qui séparerait cette dernière de la vie publique qu’ils mènent. Il en va de même de leur identité, de leur adresse, de leur numéro de téléphone, de leurs secrets, de leur avis sur tout dont ils n’imaginent pas se priver tant il est important pour eux d’être (re)connus et surtout populaires.
Ce n’est pas l’objet de ce billet que de revenir là-dessus.
C’est d’anonymat qu’il s’agit, celui que d’aucuns, les marchands et les sites institutionnels d’une part, certains des militants de l’Internet d’autre part à l’unisson des premiers, conseillent d’adopter pour se garantir et se protéger des méchants. Je sais, car on va m’opposer ces arguments, que choisir l’anonymat se justifie parfois, que c’est une manière d’exercer sa liberté d’expression, dans les cas rares où cette dernière est déjà terriblement menacée.
Il n’empêche, choisir d’être anonyme en ne signant pas ou en choisissant un pseudonyme abscons et interchangeable, c’est toujours se priver un peu de sa liberté. Et il n’y a pas de luxe et de plaisir plus grands que de s’exprimer librement, sous son vrai nom, celui qu’on a reçu de ses parents, au seul risque d’être contredit voire insulté.
Contre tous ceux qui s’attaquent à nos données personnelles et font profit de leur marchandisation, qui abusent de notre bonne foi ou de notre liberté, la solution n’est certes pas le repli sur soi, l’anonymat, la construction d’un bunker, le chiffrement ou les VPN (lisez donc ces conseils). Je m’y refuse, pour ma part, et surtout refuse qu’on en fasse pour nos enfants, nos élèves, à l’école, une consigne éducative, comme le préconisent ceux qui se mêlent de tout. Non, la solution est une alternative finalement assez simple :
- cesser d’utiliser l’Internet ;
- exercer ses droits à s’exprimer et publier sous son vrai nom, en toute responsabilité.
Il n’y a pas d’autre possibilité, il faut vous y faire. Tout autre choix est un renoncement, un abandon, une privation volontaire d’un peu de sa liberté.
« L’essentiel est de garder conscience et de définir soi-même ce que l’on est prêt à consentir et ce que l’on veut préserver. »
J’agrée pleinement les propos de Luc Bentz ci-dessus extraits d’un de ses derniers billets. Signer de son vrai nom est ce qu’il faut préserver d’abord, et je suis certain qu’il en conviendra avec moi.
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : ST E PH/ EN _G via photopin cc
[cite]
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