Rappelez-vous : « Chaque fois qu’un avion tombe, c’est sur les pompes à Roger Gicquel » disait Coluche pour se moquer du ton empreint d’angoisse et d’anxiété, toutes sortes de sentiments que ce présentateur souhaitait jadis partager avec les téléspectateurs.
Eh bien, figurez-vous que chaque fois que la NSA veut enquêter, c’est via une webcam pointée sur les pompes à l’AFUL. Si, si.
Soyons clair : cette association francophone des utilisateurs de logiciels libres mène un combat permanent et infiniment respectable, notamment dans le monde de l’éducation, pour la promotion des logiciels libres et des formats ouverts. Je connais et apprécie quelques-uns de ses membres avec lesquels nous avons travaillé jadis à des projets communs. Mais l’AFUL vient de se compromettre gravement récemment en adoptant, à la remorque et à l’identique de l’initiative honteuse et conjointe du ministre de l’Intérieur, de la Gendarmerie et d’une compagnie d’assurance (voir un billet récent où je disais avoir honte pour mon école), une attitude profondément anti-éducative.
L’information m’avait échappé. Ce n’est qu’à la lecture du site brestois a-brest et du Framablog qui ont, sans sourciller ni même formuler un point de vue critique à ce sujet, relayé le projet de l’AFUL, que j’ai appris l’existence de ce concours lancé déjà depuis début février. En gros, toute fière de son accord cadre avec le ministère de l’Éducation, l’AFUL propose aux enfants de 7 à 17 ans — elle s’adresse aux élèves, en fait, puisqu’elle sollicite l’aide des enseignants — de dessiner, tenez-vous bien, « les menaces informatiques » !
La paranoïa est si évidente que l’AFUL prend soin de préciser que son objectif n’est justement pas de l’alimenter. Une autre preuve en est fournie par l’URL qui s’affiche sur la page de l’AFUL, sans doute la contraction d’un titre précédemment choisi : « https://aful.org/nouvelles/dessine-moi-mechants-comment-se-proteger-informatique ».
Voilà, il y a des méchants et l’AFUL propose aux enfants et aux élèves d’appréhender l’Internet en les dessinant ! Comment éviter la caricature et une approche manichéenne ? Comment éviter l’anxiété générée par cette approche profondément craintive et apeurée ?
On me faisait remarquer ce matin que Libération avait, il y a presque cinq ans déjà, évoqué un concours plus heureux lancé à l’initiative de Kevin Kelly « The Internet Mapping Project » dont est extrait le dessin en haut de ce billet. « Dessine-moi internet » aurait pu aussi proposer de manière plus positive l’AFUL, ce qui ne l’empêchait nullement de faire avancer les idées, auprès d’un jeune public, qu’elle exprime dans le document qu’elle vient de publier « Comment se protéger de l’informatique, ou l’informatique à l’ère post-Snowden ».
@2vanssay @michelguillou En tout cas, ça crée un certain malaise (dessine-moi un mouton / dessine-moi les menaces)
— Luc Cédelle (@LCedelle) February 27, 2014
Les temps ont décidément changé, comme le rappelle Luc Cédelle ci-dessus sur Twitter… « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! », demande Le Petit Prince à Antoine de St-Exupéry… « S’il vous plaît… dessine-moi une menace informatique » demande l’AFUL aux enfants…
Misère !
Michel Guillou @michelguillou
Crédit photo : ChimpLearnGood via photopin cc
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